J.O. 302 du 31 décembre 2003
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2003
NOR : CSCL0307035X
La loi de finances rectificative pour 2003, adoptée le 18 décembre 2003, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés. A l'encontre de ce texte, les auteurs des recours invoquent différents griefs dirigés, en particulier, contre ses articles 20 et 97.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur la sincérité de la loi de finances rectificative
A. - Les auteurs du recours mettent en cause la loi de finances rectificative en soutenant qu'elle manifeste l'insécurité de la loi de finances initiale pour 2003. Ils font valoir à cet effet que la dégradation des finances publiques constatée par la loi de finances rectificative ne résulte pas d'un évenement conjoncturel intervenu au cours de l'année d'exécution, mais traduit le fait que la loi de finances initiale manquait au principe de sincérité.
B. - Une telle critique ne peut être retenue à l'encontre de la loi déférée.
Il apparaît, en effet, qu'elle ne met pas en cause les dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative qui est présentement déférée devant le Conseil constitutionnel. Ces critiques sont, en réalité, formulées, comme le reconnaît d'ailleurs la saisine, à l'encontre de la loi de finances initiale pour 2003. Par rapport aux prévisions de recettes et de dépenses qui avaient été adoptées par le Parlement à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2003, la loi de finances rectificative pour 2003 procède aux ajustements qui se sont avérés nécessaires.
Les auteurs du recours soutiennent, il est vrai, que le Gouvernement aurait manqué au principe de sincérité en s'abstenant de présenter au Parlement en cours d'année un projet de loi de finances rectificative alors que les grande lignes de l'équilibre budgétaire définies par la loi de finances initiale auraient été bouleversées par la révision à la baisse des hypothèses de croissance et ses conséquences sur les évaluations de recettes fiscales. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 2002-464 DC du 27 décembre 2002 relative à la loi de finances pour 2003, a de fait observé que, si les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartaient sensiblement des prévisions en cours d'exercice, il appartiendrait alors au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement considère que l'évolution de la situation budgétaire au cours de l'exercice 2003 n'a pas été telle qu'elle justifiait de déposer avant l'automne un projet de loi de finances rectificative. Il entend souligner qu'il n'a nullement manqué à l'information du Parlement en cours d'exercice et que les mesures prises en cours d'année permettaient de faire face à la situation sans rendre nécessaire le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative dans le courant de l'année 2003.
S'agissant des recettes, le Gouvernement entend rappeler qu'il a, au fur et à mesure que des informations nouvelles entraient en sa possession, informé le Parlement de la probabilité de moins-values au cours de l'année 2003. Ces moins-values ont fait l'objet d'un premier chiffrage, nécessairement encore incertain, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire au mois de juin ; elles ont pu être affinées en septembre lors de l'établissement de la prévision d'exécution pour 2003 associée au projet de loi de finances pour 2004. Il convient d'observer que l'évaluation du montant des moins-values de recettes fiscales a sensiblement augmenté entre ces deux dates. Cette évaluation a en revanche été confortée par les résultats des semaines qui ont suivi et a pu être intégralement confirmée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative déposé le 19 novembre 2003. Les dernières tendances de la fin d'exécution 2003 confirment tout à fait ces prévisions.
S'agissant des dépenses, le respect de l'autorisation de dépenses votée par le Parlement, soit 273,8 milliards d'euros hors fonds de concours, a été assuré grâce à des mesures de régulation budgétaire mises en oeuvre tout au long de l'année. L'information du Parlement à l'égard de ces mesures a été complète, conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi organique sur les lois de finances, d'ailleurs relevées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2002-464 DC du 27 décembre 2002. Les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ont ainsi été informées des décrets d'annulation des 14 mars et 3 octobre 2003 avant leur publication, ainsi que de l'intégralité des mesures de régulation. Par ailleurs, le montant total des annulations opérées par voie réglementaire est demeuré sensiblement inférieur à la limite de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances. Les dernières annulations, pour un montant de 1,7 milliard d'euros, ont été opérées par la loi de finances rectificative, contrairement à ce qu'affirment les auteurs du recours. Ces mesures de régulation ont eu pour objet de maintenir en exécution le niveau de dépenses à hauteur du plafond autorisé par le Parlement.
Au total, compte tenu de la maîtrise des dépenses, les écarts par rapport aux prévisions initiales représentent en valeur absolue un montant faible au regard des masses budgétaires en jeu. Au moment du débat d'orientation budgétaire, l'écart avec les prévisions de recettes de la loi de finances pour 2003 était inférieur à 2 % et touchait exclusivement des prévisions de recettes à caractère évaluatif dont l'évaluation n'était pas stabilisée au terme de la session parlementaire.
Pour ces différentes raisons, il n'est pas apparu au Gouvernement nécessaire de soumettre au Parlement avant l'automne un projet de loi de finances rectificative.
II. - Sur l'article 20
A. - L'article 20 institue une contribution à la charge des personnes qui mettent gratuitement à la disposition des particuliers ou distribuent des imprimés non nominatifs dans les boîtes aux lettres, dans les parties communes des habitations collectives, dans les locaux commerciaux, dans les lieux publics ou sur la voie publique, afin de contribuer à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets ainsi produits. Les personnes qui ne s'acquittent pas volontairement de cette contribution sont alors soumises à la taxe prévue au 9 du I de l'article 266 sexies du code des douanes.
Selon les députés requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité et entachées d'incompétence négative.
B. - Une telle argumentation n'apparaît pas fondée.
Le nouvel article L. 541-10-1 du code de l'environnement prévoit que les personnes physiques ou morales qui distribuent ou font distribuer gratuitement des imprimés non nominatifs dans les boîtes aux lettres, les parties communes des habitations ou sur la voie publique sont tenues de contribuer à la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets ainsi produits. Cette contribution peut être réalisée soit sous forme financière versée à un organisme agréé qui participe au financement des actions de collecte, de valorisation et d'élimination des déchets des collectivités territoriales, soit en nature par mise à disposition d'espaces de communication au profit d'établissements publics de coopération intercommunale chargés de l'élimination des déchets. L'article L. 541-10-1 du code de l'environnement indique que les contributions financières et en nature sont déterminées suivant un barème fixé par décret. A défaut d'une telle contribution, les personnes susmentionnées sont redevables, au-delà d'une masse annuelle de 2 500 kg d'imprimés, d'une taxe de 0,15 EUR par kilogramme en application des articles 266 sexies à 266 nonies du code des douanes.
En premier lieu, la définition du champ de cette contribution volontaire, ou de la taxe exigée à défaut, est définie de manière suffisamment précise et sans porter atteinte au principe constitutionnel d'égalité, à la différence du dispositif qui avait été institué par la loi de finances pour 2003 et qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel (décision no 2002-464 DC du 27 décembre 2002). Il apparaît, en particulier, qu'eu égard à l'objet de la mesure les entreprises de presse qui vendent des journaux payants et les producteurs d'imprimés non nominatifs distribués à titre gratuit relèvent de deux catégories différentes : on peut admettre que le comportement des personnes auxquelles elles s'adressent diffèrent, de même que diffèrent leurs règles de diffusion. On peut dès lors considérer qu'ils puissent être soumis, s'agissant de mesures liées à la récupération et au retraitement des papiers, à des régimes différents sans méconnaître le principe d'égalité. Apparaissent également dans une situation différente les entreprises qui procèdent à l'envoi d'imprimés sous plis fermés nominatifs : l'objet de ces envois comme leur mode de diffusion diffèrent sensiblement et l'on peut estimer que le comportement de leurs destinataires, qui peuvent notamment s'opposer à ces envois, sera différent. En revanche, il faut souligner que la loi traite de manière identique tous les producteurs d'imprimés non nominatifs. Dans ces conditions, la critique tirée du principe d'égalité n'apparaît pas devoir être retenue.
En second lieu, le grief d'incompétence négative paraît également devoir être écarté. L'article L. 541-10-1 du code de l'environnement prévoit que la contribution financière est remise à un organisme agréé par les ministres chargés de l'environnement, des collectivités territoriales, de l'économie et de l'industrie et que la contribution en nature consiste en la mise à disposition d'espaces de communication au profit des établissements publics de coopération intercommunale assurant l'élimination des déchets ménagers. Le quatrième alinéa précise, pour sa part, que « les contributions financières et en nature sont déterminées suivant un barème fixé par décret ». Par ailleurs, le I de l'article 266quaterdecies du code des douanes oblige les organismes agréés à communiquer chaque année à l'administration la liste des personnes qui ont acquitté la contribution financière ou en nature. En l'absence de contribution, le II de l'article 266 quaterdecies précité fixe les règles de déclaration et de paiement de la taxe.
En déterminant ces éléments, le législateur n'est pas demeuré en deçà de sa compétence et pouvait, pour le surplus, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d'arrêter ses modalités d'application. Il apparaît, en particulier, que le Gouvernement peut valablement désigner le lieu et le service où seront acquittées les impositions, la forme et le contenu des imprimés administratifs, les fonctionnaires habilités à procéder aux contrôles ou à traiter les contentieux. Il peut, en outre, s'agissant du mécanisme de la contribution qui ne constitue pas une imposition, désigner les organismes agréés qui seront chargés de l'application de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement. Sur ce point, on peut indiquer qu'il est prévu de s'inspirer du dispositif existant en matière de déchets d'emballages.
III. - Sur l'article 97
A. - L'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003 subordonne l'attribution de l'aide médicale de l'Etat à une condition de séjour ininterrompu en France depuis plus de trois mois. Il modifie également les modalités d'instruction des demandes d'aide médicale de l'Etat. Il institue enfin un accès général à certains soins, en exposant que les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître sont dispensés aux étrangers résidant en France sans remplir la condition de séjour de trois mois.
Selon les auteurs du recours, ces dispositions méconnaîtraient les termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et porteraient atteinte au principe d'égalité.
B. - Le Gouvernement estime que ces griefs ne sont pas fondés.
En vertu du premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, le droit à l'aide médicale de l'Etat est ouvert, sous conditions de ressources, à toute personne étrangère résidant en France sans remplir les conditions prévues à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, pour elle-même et pour les personnes à sa charge. Les dispositions critiquées de l'article 97 de la loi déférée ne remettent pas en cause le principe de cette aide de l'Etat, mais en précisent les conditions d'attribution et en modifient le mécanisme de mise en oeuvre. Elles instaurent ainsi une condition explicite de résidence en France depuis trois mois afin d'éviter que l'aide médicale de l'Etat ne prenne en charge des personnes qui ne séjournent sur le territoire national que pendant une trop courte durée ; on peut d'ailleurs noter que ce délai de trois mois est identique à celui requis pour l'accès à la couverture maladie universelle. Les dispositions contestées instituent également un principe d'accès aux soins médicaux urgents pour tous les étrangers ; elle séparent nettement l'accès à ces soins de l'instruction administrative des demandes d'aide médicale de l'Etat. Il faut souligner que la loi prévoit, pour la première fois, explicitement la prise en charge des soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître à ceux des étrangers résidant en France qui sont en situation irrégulière et qui ne bénéficient pas de l'aide médicale de l'Etat.
Ces nouvelles dispositions ne portent pas atteinte au droit à la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni au principe d'égalité.
En premier lieu, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit à tous la protection de la santé et il incombe au législateur et au pouvoir réglementaire, dans le cadre de leurs compétences respectives, de déterminer les modalités de sa mise en oeuvre, dans le respect des principes proclamés par le Préambule. Mais, au cas présent, le législateur a précisément adopté les dispositions permettant de mettre en oeuvre ce droit dans le respect du Préambule. En prévoyant la prise en charge des soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître, le législateur a pris les mesures appropriées pour garantir le droit à la santé des personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions permettant de bénéficier de l'aide médicale de l'Etat ni ne font l'objet d'une autre prise en charge. On doit d'ailleurs relever que les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France imposent, pour être autorisé à entrer en France, la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières résultant de soins qui pourraient être engagés en France ainsi que la garantie de son rapatriement.
Au vu de ces dispositions qui garantissent en tout état de cause l'accès aux soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou serait susceptible d'altérer l'état de santé de manière grave et durable, le législateur doit être regardé comme ayant mis en oeuvre les principes découlant du onzième alinéa du Préambule de 1946.
Il faut relever, en second lieu, qu'au regard des dispositions relatives à la protection sociale, les étrangers qui résident et travaillent régulièrement sur le territoire français et ceux qui ne satisfont pas aux mêmes conditions de régularité ne sont pas dans une situation identique ; le législateur peut en conséquence valablement prévoir des régimes de prise en charge sociale différents selon que les étrangers résident régulièrement ou non sur le territoire. De même, il lui est loisible de subordonner le versement de prestations d'aide sociale à une condition de résidence ininterrompue en France d'une certaine durée (V. la décision no 93-325 DC du 13 août 1993). Dans ces conditions, la circonstance que l'article 97 de la loi déférée, pour remédier aux dérives qui ont été constatées dans la mise en oeuvre de l'aide médicale de l'Etat, ait subordonné le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à une condition de résidence pendant au moins trois mois sur le territoire national n'apparaît pas contraire au principe d'égalité.
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Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.